Cours Commentaires linéaires corrigés

Commentaire linéaire - La Princesse de Clèves, La Fayette

L'énoncé

Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678, première partie, scène du bal.

« Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté, que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur donner le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

- Pour moi, Madame, dit monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude ; mais comme madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

- Je crois, dit madame la dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

- Je vous assure, Madame, reprit madame de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

- Vous devinez fort bien, répondit madame la dauphine ; et il y a même quelque chose d'obligeant pour monsieur de Nemours, à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l'avoir jamais vu.

La reine les interrompit pour faire continuer le bal ; monsieur de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d'une parfaite beauté, et avait paru telle aux yeux de monsieur de Nemours, avant qu'il allât en Flandre ; mais de tout le soir, il ne put admirer que madame de Clèves.

Le chevalier de Guise, qui l'adorait toujours, était à ses pieds, et ce qui se venait de passer lui avait donné une douleur sensible. Il prit comme un présage, que la fortune destinait monsieur de Nemours à être amoureux de madame de Clèves ; et soit qu'en effet il eût paru quelque trouble sur son visage, ou que la jalousie fit voir au chevalier de Guise au-delà de la vérité, il crut qu'elle avait été touchée de la vue de ce prince, et il ne put s'empêcher de lui dire que monsieur de Nemours était bien heureux de commencer à être connu d'elle, par une aventure qui avait quelque chose de galant et d'extraordinaire. ».


Question 1

Proposer une introduction pour le commentaire linéaire.

Accroche : Au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, Mme de La Fayette publie anonymement La Princesse de Clèves, roman historique dont l’intrigue est placée à la Renaissance.

Présentation de l’auteur : Mme de La Fayette est une auteure que l’on peut rapprocher du mouvement des Précieuses, ces écrivaines qui tenaient des salons littéraires dans la France de l’époque.

Situation, thème et forme du passage : L’épisode que nous allons étudier porte sur la première rencontre des deux personnages principaux, Mme de Clèves et le duc de Nemours. Il survient au début du roman, après le mariage de Mle de Chartres avec son mari le Prince de Clèves. Cette rencontre, qui reprend les codes des rencontres amoureuses dans les romans, intervient lors du bal du mariage du dauphin, François II, avec Mary Stuart.

Problématiques : Quel rôle jouent la cour dans cette rencontre amoureuse ? ou En quoi cette scène de première rencontre est-elle merveilleuse ?

Découpage du texte : 1) Une rencontre merveilleuse ; 2) Un dialogue révélateur ; 3) Un destin ambigu, entre extraordinaire et écriture.

Les éléments à rappeler en introduction sont les suivants :

- Accroche (par exemple : contexte de rédaction) 

- Présentation de l’auteur (siècle, mouvement littéraire)

- Situation, thème et forme du passage

- Problématique

- Découpage du texte


Avant d’en dégager les grandes parties, il faut s’interroger sur le mouvement du texte. Le mouvement du texte correspond à l’articulation des parties et à leurs cohérences internes. Afin de faciliter la découpe du texte, il est conseillé de trouver un titre pour chaque partie, au fur et à mesure. 

Question 2

Proposer un développement pour le découpage du texte.

I. Exemple de titre (thématique) : Une rencontre merveilleuse

 

Cadre spatio-temporel : un bal à la cour du roi Henri II. Utilisation du passé simple pour évoquer des actions brèves et la rapidité de l’enchainement des actions. Première occurrence dans le texte renvoyant au regard. Place essentielle du regard dans ce passage. La proposition circonstancielle de temps suivie de l’imparfait souligne la simultanéité des actions.

 

A. Un élément perturbateur

Citation : « Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté, que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. »

Procédé littéraire : valeur modale du verbe, le passé simple est utilisé pour évoquer des actions brèves.

Interprétation : cette scène se joue dans la précipitation : Nemours entre au moment où une danse se termine.

 

B. Une scène de première vue

Citation : « Le roi et les reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. »

Procédé littéraire : champ lexical du regard.

Interprétation : cette mention du regard renvoie au topos de première vue, c’est-à-dire à la manière dont les rencontres amoureuses sont écrites dans les romans. On met en avant le regard et on insiste sur l’aspect merveilleux de cette rencontre, en utilisant parfois le terme d’apparition (comme chez Flaubert dans L’éducation sentimentale par exemple). Ici, Mme de Clèves et le duc de Nemours sont des apparitions l’un pour l’autre mais aussi pour la cour.

 

II. Exemple de titre (thématique) : Un dialogue révélateur

 

A. Un dialogue indirect

Citation : « Madame », « Votre Majesté » 

Procédé littéraire : formules d’adresse.

Interprétation : au lieu de s’adresser directement la parole, les deux interlocuteurs le font par l’intermédiaire de la dauphine (Mary Stuart), dans le respect de l’étiquette de la cour.

 

B. Une reconnaissance mutuelle

Citation : « je n’ai pas d’incertitude »

Procédé littéraire : litote.

Interprétation : le duc de Nemours use d’un procédé d’atténuation pour mieux souligner son « admiration » pour la Princesse de Clèves : il fait preuve de galanterie, c’est-à-dire qu’il s’adonne à un jeu de séduction mondain. Mais la dimension de reconnaissance mutuelle fait davantage penser à un coup de foudre sincère.

 

III. Exemple de titre (thématique) : Un destin ambigu, entre extraordinaire et écriture

 

A. Une prédestination amoureuse

Citation : « Il prit comme un présage, que la fortune destinait monsieur de Nemours à être amoureux de madame de Clèves. »

Procédé littéraire : champ lexical du destin (« présage », « fortune »).

Interprétation : l’idée d’une prédestination amoureuse entre dans le topos de la première rencontre. Les amoureux se sont vus, reconnus et la nécessité de leur rencontre est soulignée par leurs proches.

 

B. Un passage métadiscursif

Citation : « par une aventure qui avait quelque chose de galant et d'extraordinaire. ».

Procédé littéraire : Utilisation de termes littéraires : « aventure », « galant ».

Interprétation : Mme de La Fayette commente son écriture en même temps que le duc de Guise commente la rencontre de Mme de Clèves et du duc de Nemours : si cette rencontre est extraordinaire, c’est parce qu’elle-même, en tant qu’auteur, l’a voulue ainsi ! Il s’agit donc d’un commentaire métadiscursif qui souligne l’inscription de l’œuvre dans la tradition du roman galant.

Vous devez commenter chaque partie du texte, phrase par phrase. Attention, le but de ce travail n’est pas de citer les phrases telles qu’elles sont inscrites dans le texte mais de trouver des paraphrases permettant d’en expliquer le sens.


Ce travail permet également de relever le style du texte comme par exemple les figures de styles ou les temps des verbes (passé, présent, subjonctif, etc.).


L'analyse méthodique des phrases doit aussi être l’occasion de relever les références de l’auteur. Il peut s’agir de référence à l’histoire, à la littérature, etc. Ces références ne sont pas forcément explicites dans le texte, il faut donc faire appel à sa culture générale pour déceler les références dissimulées par l’auteur.

Question 3

Proposer une conclusion.

Dans ce passage, Mme de La Fayette nous livre :

- Une rencontre merveilleuse

- Un dialogue révélateur

- Un destin ambigu, entre extraordinaire et écriture

Ouverture : Des différences apparaissent entre les personnages : la princesse respecte la bienséance en se plaçant du côté de l’amour alors que le duc fait preuve d’audace et penche du côté de la galanterie. Cela présage d’un développement qui sera plutôt malheureux qu’heureux.

Ne pas oublier de faire une ouverture !