L'énoncé
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Document : Panique bancaire ou aléa moral : le dilemme de la régulation bancaire et de la garantie des dépôts
Que faire lorsqu’on fait face à une crise bancaire ? Garantir les dépôts, sauver les banques. Que faire pour éviter de faire face à une crise bancaire ? Ne pas garantir les dépôts, ne pas sauver les banques. Explications.
Depuis la crise financière, la régulation bancaire est un sujet qui passionne et qui a suscité pas mal de critiques vis-à-vis de la communauté des économistes, jugés incapables d’en comprendre les tenants et les aboutissants.
Si on devait résumer le problème bancaire rapidement, on dirait ceci :
Lors d’une panique bancaire, un afflux soudain de retraits des déposants peut faire écrouler un système financier relativement sain. Garantir les dépôts permet d’empêcher de telles paniques parmi les déposants, et donc de garantir la stabilité du système.
Cependant, lorsque les dépôts sont garantis, le système bancaire a tendance à se développer de façon malsaine car les profits sont privés, et les pertes collectivisées.
Ce problème présente deux solutions raisonnables concurrentes, et une « solution » stupide qui a mené à la crise de 2008.
La première solution, d’inspiration libérale, consiste à ne pas garantir les dépôts et à peu réguler l’activité bancaire. Cette solution a pour avantage de permettre un financement performant de l’économie, mais le désavantage de ne pas garantir les dépôts.
La deuxième solution est plus interventionniste. Elle garantit les dépôts, mais en contrepartie régule fortement les banques afin que la garantie des dépôts n’entraîne pas des prises de risques excessives.
Quant à l’ânerie majeure, c’est d’à la fois garantir les dépôts et de déréguler l’activité bancaire. Auquel cas, l’État contraint les banques à faire n’importe quoi.
Ce débat est exposé de la plus limpide des manières par deux modèles économiques classiques et vieux de trente ans : Kareken & Wallace (1978) et Diamond et Dybvig (1983). Ces deux modèles sont amplement suffisants pour avoir une compréhension théorique satisfaisante de la partie bancaire de la crise de 2008.
Garantie des dépôts et prise de risque
Le premier modèle, développé par John Kareken et Neil Wallace explique pourquoi, lorsqu’un gouvernement s’engage à garantir les dépôts, il accroît la probabilité de faillite des banques.
La télévision a très mal retranscrit la manière dont cet effet pervers apparaît. Le fait que les profits soient privatisées et les pertes socialisées n’a aucune raison de permettre aux banques de réaliser davantage de profits. En effet, l’avantage étant octroyé à toutes les banques, la compétition le répercute entièrement au bénéfice des épargnants. Grâce à la garantie, l’ensemble des banques se retrouvent en position de réaliser des investissements plus risqués sans faire prendre de risque à ses clients. Il est donc logique que les épargnants réclament de la banque une telle stratégie. Certes, cette exigence n’est pas explicite. Cependant, lorsque l’épargnant compare les taux offerts par les différentes banques, il est indifférent au risque qu’elles prennent, dans la mesure où son placement est garanti. Il ira donc naturellement vers l’institution offrant le meilleur rendement, et ce grâce à un investissement plus risqué garanti par l’État.
En une telle circonstance, la question éthique pour le banquier n’a plus beaucoup de sens pour comprendre l’économie. La banque qui ne profite pas de la garantie pour jouer une stratégie perverse n’est pas capable d’attirer des clients, et donc disparaît.
Autrement dit, lorsque les dépôts sont garantis, les banques n’y trouvent pas tant un intérêt financier qu’une contrainte venant des épargnants d’offrir un rendement élevé dont le risque est porté par les contribuables. Comprendre que la prise de risque inconsidérée découle simplement du fait que les déposants cherchent le meilleur rendement est essentiel. En effet, lorsque le gouvernement américain a décidé de laisser Lehman Brothers faire faillite, il n’a absolument pas créé un exemple efficace, dans la mesure où l’origine de la perversité ne se trouvait pas tant chez les actionnaires des banques que dans la propension bien naturelle des déposants à chercher le meilleur rendement.
Au contraire, si les dépôts ne sont pas garantis, les banques se spécialisent. Certaines acquièrent une réputation de prudence et attirent les clients frileux et leur versent de faibles intérêts, tandis que des banques réputées plus audacieuses offrent des intérêts plus élevés à des déposants prêts à prendre davantage de risque.
Liquidité et panique bancaire
Le second modèle, proposé par Douglas Diamond et Philip Dybvig en 1983 est encore plus célèbre.
Concrètement, une banque est une entreprise qui collecte l’épargne de ses clients, et la prête à des investisseurs qui l’utilisent pour créer des richesses. La création de ces richesses permet de rémunérer ceux qui ont financé les investissements, c’est-à-dire les déposants, en leur versant les intérêts du remboursement.
Mais dans ce cas, pourquoi les banques existent-t-elles ? Après tout, les épargnants pourraient directement prêter aux investisseurs sans passer par la banque.
La raison est que les épargnants veulent à la fois obtenir un rendement sur leur dépôt, ce qui implique de prêter durablement leur argent, et en même temps pouvoir le récupérer à tout moment. La manière de concilier ces deux objectifs est de faire de la banque un pool de liquidité. Imaginons 100 épargnants, qui veulent investir dans un projet industriel, mais veulent pouvoir récupérer leur argent demain si l’envie ou le besoin leur en vient. Ils anticipent que 20 d’entre eux voudront effectivement reprendre leur argent demain, mais ignorent qui. Dans ce cas, il leur suffit de mettre l’ensemble de leurs ressources en commun, d’en garder 20 % sous forme de billets, et de prêter 80 % à des entreprises. Auquel cas, le problème est résolu. Les 20 % en billets permettent à ceux qui voudront reprendre leur argent demain de le faire, et le reste permet à l’argent de faire des petits.
Ce système est un puissant levier de financement de l’économie et de rémunération de l’épargne. Cependant, il comporte un risque.
Imaginons en effet que le lendemain de cet accord, pour telle ou telle raison, l’ensemble de nos 100 clients se disent qu’en fait, 30 personnes vont réclamer leur argent précocement. Sachant les décisions prises la veille, les 100 clients savent que cela est impossible, et que pour honorer ses engagements la banque va devoir récupérer l’argent qu’elle a prêté à long terme. Cela va entraîner des pertes importantes, et les derniers à réclamer leur argent n’en récupéreront qu’une partie. La décision la plus rationnelle pour chaque client est d’alors de se précipiter au guichet pour récupérer son pécule avant les autres, de sorte que la prophétie, même si elle n’avait aucun fondement, devient réalité. On appelle cela une panique bancaire. Un phénomène à la fois rationnel et ne nécessitant aucun fondement réel.
Diamond et Dybvig suggèrent alors d’introduire la garantie des dépôts. En effet, une telle garantie enraye le processus destructeur décrit plus haut, et donc prévient les faillites bancaires inutiles ainsi que leur contagion par la panique.
Un problème insoluble ?
Les deux théories ne sont en rien contradictoires. Elles prennent le problème sous deux perspectives différentes. D’ailleurs, Diamond et Dybvig, qui écrivent les seconds, invitent leurs lecteurs à aller lire Karaken et Wallace. Depuis des modèles tentent d’intégrer les deux raisonnements.
On pourrait résumer le problème en deux questions/réponses :
Que faire lorsqu’on fait face à une crise bancaire ? Diamond et Dybvig répondent : garantir les dépôts, sauver les banques.
Que faire pour éviter de faire face à une crise bancaire ? Karaken et Wallace répondent : ne pas garantir les dépôts, ne pas sauver les banques.
La solution a posteriori est l’origine du problème a priori. Situation courante en théorie des jeux. Ce qui est certain, c’est que la garantie sans régulation est la pire des solutions (...).
Source : Acrithène, sur contrepoints.org.
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Question 1
Dans le document, quel est l'aléa moral mis en avant ?
"Lorsque les dépôts sont garantis, le système bancaire a tendance à se développer de façon malsaine car les profits sont privés, et les pertes collectivisées."
"Lorsque les dépôts sont garantis, les banques n’y trouvent pas tant un intérêt financier qu’une contrainte venant des épargnants d’offrir un rendement élevé dont le risque est porté par les contribuables."
"Lorsque le gouvernement américain a décidé de laisser Lehman Brothers faire faillite, il n’a absolument pas créé un exemple efficace, dans la mesure où l’origine de la perversité ne se trouvait pas tant chez les actionnaires des banques que dans la propension bien naturelle des déposants à chercher le meilleur rendement."
Rappelez-vous de ce qu'est l'aléa moral : un agent prend plus de risques car il n'assume pas les éventuelles conséquences négatives de ses choix.
L'aléa moral présenté ici met bien en avant que les banques prennent plus de risques car les dépôts sont garantis par l'Etat : si une banque est menacée de faillite, l'Etat vient à son secours pour éviter que sa faillite, d'une part entraîne la ruine d'épargnants, d'autre part pour éviter des faillites en chaîne de banques.
Question 2
Si l'on interprète le document, quel pourrait être le risque économique d'une régulation trop forte ?
Les banques pourraient être fragilisées par la baisse de leurs revenus.
Les taux d'intérêts baisseraient drastiquement.
Il n'y aurait pas de baisse des taux d'intérêt, puisqu'elle correspond à une volonté d'augmenter l'offre de prêts. Or, la diminution de la prise de risques vise à l'inverse à réduire l'offre de prêts.
Cette solution est plus interventionniste. Elle garantit les dépôts, mais en contrepartie régule fortement les banques afin que la garantie des dépôts n’entraîne pas des prises de risques excessives.
Le chômage pourrait augmenter.
Une des conséquences pourraient être une récession économique. En effet, une baisse de la prise de risques des banques va diminuer l'offre de prêts pour les réserver aux agents économiques les plus solides. Cela va donc réduire l'investissement des entreprises et des ménages, donc réduire la consommation, la production et par conséquence, entraîner une hausse du chômage.
La régulation est une forme d'interventionnisme.
Pensez aux conséquences d'une plus faible prise de risques par les banques.
Question 3
Dans le document, lequel des instruments de régulation est évoqué dans l'extrait surligné en jaune ?
Le ratio de solvabilité.
Les 20 % mis de côté dans l'exemple de l'article correspondent à une somme d'argent directement disponible pour les retraits avant remboursement du prêt. C'est le même principe que le ratio de solvabilité : les fonds propres imposés par la puissance régulatrice sont de l'argent que la banque possède réellement et qu'elle est donc capable de rendre aux épargnants en cas de besoin.
La supervision par la Banque centrale.
Le fond de résolution.
A quoi correspondent à l'échelle d'une banque les 20 % d'argent mis de côté pour répondre aux retraits ?
Question 4
D'après le document, une panique bancaire est :
Une situation dans laquelle la faillite d'une banque entraîne la fermeture d'autres.
Un événement qui met en péril l'ensemble des banques à cause du risque systémique.
Un mouvement de panique des épargnants qui retirent leur épargne de peur de la perdre.
L'exemple de l'auteur explique que si une banque se retrouve en difficulté pour mettre à disposition l'argent des contribuables, les épargnants peuvent prendre peur et tous retirer leur épargne, ce qui entraîne la chute de tout le système bancaire.
Il faut reformuler en termes théoriques l'exemple donné par l'auteur.
Question 5
A partir des documents et de vos connaissances personnelles, quelle est la variable sur laquelle repose l'ensemble du système bancaire ?
La recherche du profit.
La confiance des agents.
L'ensemble du système repose sur la confiance : les banques font confiance aux agents à qui elles prêtent, puisqu'elles estiment qu'elles seront remboursées ; les épargnants font confiance aux banques puisqu'ils espèrent qu'elles protègent leur épargne, voire la fait fructifier ; les emprunteurs font confiance dans l'avenir puisqu'elles estiment qu'ils pourront rembourser. Si cette confiance disparaît, l'ensemble de l'édifice de prêt vacille.
La citoyenneté des épargnants.
En cas de panique bancaire, laquelle de ces variables est remise en cause ?
Les banques ne sont pas fragilisées par la baisse de leurs revenus, au contraire, l'objectif est de limiter les risques de faillite donc de renforcer les banques.