Cours La compréhension du texte

Exercice - Questions sur un texte - Arendt

L'énoncé

Essaye ici de répondre aux questions qui te sont posées afin de t’habituer à interroger le texte par toi-même.

« Le problème de la nature humaine, problème augustinien *(quaestio mihi factus sum « je suis devenu question pour moi-même »), paraît insoluble aussi bien au sens psychologique individuel qu'au sens philosophique général. Il est fort peu probable que, pouvant connaître, déterminer, définir la nature de tous les objets qui nous entourent et qui ne sont pas nous, nous soyons jamais capables d'en faire autant pour nous-mêmes : ce serait sauter par-dessus notre ombre. De plus, rien ne nous autorise à supposer que l'homme ait une nature ou une essence comme en ont les autres objets. En d'autres termes, si nous avons une nature, une essence, seul un dieu pourrait la connaître et la définir, et il faudrait d'abord qu'il puisse parler du « qui » comme d'un « quoi ». Notre perplexité vient de ce que les modes de connaissance applicables aux objets pourvus de qualités « naturelles », y compris nous-mêmes dans la mesure restreinte où nous sommes des spécimens de l'espèce la plus évoluée de la vie organique, ne nous servent plus à rien lorsque nous posons la question : qui sommes-nous ? »

Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne, Chap. I éd. Calman-Lévy, coll. Presse Pocket, pp. 45-46


Question 1

À quelle question Hannah Arendt apporte-t-elle une réponse ?

Dans ce texte, Hannah Arendt se pose la question suivante : est-il possible de définir la nature humaine ? Le sens de nature est ici proche de l'essence : on se demande plus précisément si nous, qui sommes des êtres humains, sommes en mesure de définir l'humanité, ou si une telle définition suppose un regard extérieur, celui de Dieu, qui serait en mesure de faire de nous un objet de connaissance et non un sujet connaissant.

Comme d’habitude, il faut faire un pas en arrière par rapport au texte. Il faut le considérer dans sa totalité afin de ne pas prendre un argument pour une thèse philosophique.


La question ici soulevée est une question philosophique générale portant particulièrement sur la nature humaine et la connaissance.

Question 2

Quelle réponse Hannah Arendt apporte-t-elle à cette question ?

L'auteur soutient dans ce texte que la nature humaine ne peut être définie par l'homme. D'ailleurs, il n'est même pas certain que nous ayons une nature ou une essence : il faudrait pour cela s'en remettre à une force extérieure.

Il s’agit ici de la thèse du texte, c’est à dire ce que l’auteur soutient à propos de la question que tu viens de formuler.


Demande-toi si l’homme est en bonne posture pour se connaître lui-même ; n’est-ce pas être juge et partie à la fois ?

Question 3

De quel argument philosophique Hannah Arendt se sert-elle pour démontrer sa thèse ?

Hannah Arendt s'appuie ici sur l'idée que la connaissance ne peut s'établir que s'il y a séparation entre le sujet connaissant (l'homme) et l'objet connu. Or, une telle séparation ne saurait avoir lieu entre l'homme et lui-même.

Encore une fois, il faut considérer le texte dans sa totalité. L’argument n’est pas exprimé explicitement par l’auteur, il faut le reconstruire à partir de ta compréhension du texte.


Demande-toi simplement si nous sommes dans le même rapport à nous-mêmes qu’aux objets extérieurs.

Question 4

Il s'agit maintenant d'expliquer l'argument. Il est exprimé métaphoriquement dans le texte ; essaye de trouver et d'expliquer cette métaphore.

Nous savons d'expérience qu'il est impossible de « sauter par dessus son ombre. L'ombre est notre propre image, et il serait illusoire de penser pouvoir lui échapper. Par exemple, Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, met en scène un personnage qui croit pouvoir échapper à son ombre. On trouve également quelques exemples dans la bande dessinée : Lucky Luke qui « tire plus vite que son ombre » ; mais cela n'est pas possible en réalité.

Cette ombre, dans la métaphore, c'est notre essence, notre nature. Mais cette ombre ne se sépare jamais de nous : il est impossible de la contempler entièrement. Notre nature est ce qui nous fait tels que nous sommes : il semble donc impossible de revenir dessus.

En gras dans le texte.


Essaye maintenant de te demander quelle est la portée de cette métaphore. Pourquoi est-il impossible de sauter par dessus son ombre ? De quoi l’ombre est-elle l’image ici.

Question 5

Petite question de culture philosophique : à quel grand philosophe Hannah Arendt s'oppose-t-elle ici ?

Hannah Arendt s'oppose ici à Descartes : pour lui, par le seul fait de penser, je suis en mesure de connaître ma nature ; l'essence du sujet pour Descartes, c'est la pensée elle-même. Ainsi, il est tout à fait possible pour Descartes d'avoir une connaissance de notre nature : je suis un sujet pensant, (cf. Descartes, Seconde Méditation Métaphysique).

C'est un célèbre mathématicien et philosophe français, auteur de la célèbre phrase "Je pense donc je suis".


C’est aussi un mathématicien.