Cours La science-fiction

Exercice - 1984, George Orwell

L'énoncé

Extrait de 1984 - George Orwell, 1949 

L’histoire se passe en 1984, comme l'indique le titre du roman. Le monde, depuis les grandes guerres nucléaires des années 1950, est divisé en trois grands « blocs » : l’Océania, l’Eurasia et l’Estasia qui sont en guerre perpétuelle les uns contre les autres.

     Derrière Winston, la voix du télécran continuait à débiter des renseignements sur la fonte et sur le dépassement des prévisions pour le neuvième plan triennal. Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir, si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu.

Winston restait le dos tourné au télécran. Bien qu’un dos, il le savait, pût être révélateur, c’était plus prudent. A un kilomètre, le ministère de la Vérité, où il travaillait, s’élevait vaste et blanc au-dessus du paysage sinistre. Voilà Londres, pensa t-il avec une sorte de vague de dégoût. Londres, capitale de la première région aérienne, la troisième, par le chiffre de sa population, des provinces de l’Océania. Il essaya d’extraire de sa mémoire quelque souvenir d’enfance qui lui indiquerait si Londres avait toujours été tout à fait comme il la voyait. Y avait-il toujours eu ces perspectives de maisons du XIXe siècle en ruine, ces murs étayés par des poutres, ce carton aux fenêtres pour remplacer les vitres, ces toits plâtrés de tôle ondulée, ces clôtures de jardin délabrées et penchées dans tous les sens ? Y avait-il eu toujours ces emplacements bombardés où la poussière de plâtre tourbillonnait, où l’épilobe grimpait sur des monceaux de décombres ? Et ces endroits où les bombes avaient dégagé un espace plus large et où avaient jailli de sordides colonies d’habitacles en bois semblables à des cabanes à lapins ? Mais c’était inutile, Winston n’arrivait pas à se souvenir. Rien ne lui restait de son enfance, hors une série de tableaux brillamment éclairés, sans arrière-plan et absolument inintelligibles.

Le ministère de la Vérité - Miniver, en novlangue - frappait par sa différence avec les objets environnants. C’était une gigantesque construction pyramidale de béton d’un blanc éclatant. Elle étageait ses terrasses jusqu’à trois cents mètres de hauteur. De son poste d’observation, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l’inscription artistique des trois slogans du parti.

LA GUERRE C’EST LA PAIX

LA LIBERTE C’EST L’ESCLAVAGE

L’IGNORANCE C’EST LA FORCE


Question 1

Où se passe l’action ? Comment la ville est-elle décrite ?

La scène se passe à Londres « capitale de la première région aérienne, la troisième, par le chiffre de sa population, des provinces de l’Océania », ville du monde réel mais appartenant à une région inventée de toute pièce : l’« Océania ». La ville n’a pas la même apparence que dans la réalité, elle est décrite de façon lugubre : « paysage sinistre ». Ainsi on retrouve le champ lexical du délabrement : « en ruine » ; « carton aux fenêtres » ; « toits plâtrés » ; « tôle ondulée » ; « jardin délabrées » ; « emplacements bombardés », etc.

L’action se passe dans une ville réelle. Cette ville est décrite de façon sinistre.

Question 2

Quelle opposition peut-on faire entre la description de la ville et celle du ministère de la Vérité ?

La ville de Londres, décrite en ruine s’oppose complètement à la description que Winston fait du ministère de la Vérité. Alors que pour celui-ci, on en imagine la grandeur : « s’élevait » ; « vaste » ; « gigantesque construction pyramidale de béton » ; « cents mètres de hauteur », la ville apparaît comme un « monceaux de décombres ». Il y a donc une opposition architecturale, d’un côté, le grand, le solide et de l’autre le délabrement. L’opposition se fait aussi au niveau de la couleur, la blancheur du ministère est mis en avant : « vaste et blanc » ; « d’un blanc éclatant », alors qu’aucune couleur n’est associée à la ville.

Comment apparaît le ministère de la Vérité par rapport à la ville en ruine ?


Il faut relever le champ lexical de la grandeur.

Question 3

Quels éléments montrent que c’est à la fois un texte de science-fiction et d’anticipation ?

Il s’agit d’un texte de science-fiction, car le monde réel : « Londres » ; « maisons du XIXe siècle » est associé à des éléments fictifs, n’ayant pas d’existence propre : « télécran » ; « Police de la Pensée » ; « novlangue » ; « Océania ». Il s’agit d’un roman d’anticipation, car il a été écrit en 1949 et il se passe en 1984 : dans le futur donc.

Question 4

Pourquoi peut-on dire que Winston vit dans un monde de terreur et de répression ?

Winston vit dans un monde de terreur et de répression car il vit sous surveillance : « Le télécran ( …) captait tous les sons émis par Winston », cela transparait dans le texte grâce au champ lexical de l’espionnage : « renseignements » ; « tout mouvement était perçu » ; « il pouvait être vu aussi bien qu’entendu » ; « surveillé », etc. A cela s’ajoute le nom des institutions : « la Police de la Pensée » ; « Le ministère de la Vérité » qui montre qu’il vit dans un monde où tout est scruté et observé : « On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment ». Les slogans du parti sont également une preuve de la perte des libertés individuelles : « LA GUERRE C’EST LA PAIX / LA LIBERTE C’EST L’ESCLAVAGE / L’IGNORANCE C’EST LA FORCE ».

Winston est constamment surveillé. Grâce à quoi ?

Question 5

Quelle est l’attitude de Winston ?

Winston ne se révolte pas, il se pose simplement des questions sur l’ancienne apparence de Londres avec l’anaphore « Y avait-il », sans qu’il y soit apporté de réponse. On retrouve donc le champ lexical de la pensée : « pensa t-il » ; « sa mémoire » ; « souvenir d’enfance », etc. Il ne parle pas, on le sent aussi impassible que le paysage semble immobile : rien ne bouge et cela est accentué par l’utilisation de l’imparfait. Ce sentiment du fatalisme de Winston est seulement inquiété par la position qu’il prend devant son télécran, comme pour se protéger : « Winston restait le dos tourné au télécran (…) c’était plus prudent. » ainsi que par l’unique émotion qu’il ressent : « avec une sorte de vague de dégoût »

Question 6

Quel est le contexte historique de l’écriture du roman ? Que peut-on en déduire ?

Ecrit en 1949, le roman prend place dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale et celui de la Guerre froide. L’Europe se relève juste du nazisme et du fascisme et l’URSS est en proie au totalitarisme soviétique. On en déduit qu’Orwell fait une critique de la dangerosité des régimes dictatoriaux qui privent les individus de leurs libertés et même de leurs pensées (Winston n’arrive plus à se souvenir et ce dont il se rappelle est « absolument inintelligible »). Dans le monde de l’époque, il montre que le totalitarisme est possible par l’intermédiaire de la technologie (télécran).

La Seconde Guerre mondiale s'est terminée 4 ans avant.