Fiche de cours
Exercice : Le dédoublement de personnalité dans l'inspiration poétique
Document : Fernando Pessoa, « Lettre à Casais Monteiro », Le chemin du serpent, 13 janvier 1935
J’eus envie, un beau jour, de jouer un tour à Sa-Carneiro1, d’inventer un poète bucolique, du genre compliqué, et de le lui présenter, je ne sais plus comment, sous un jour plus ou moins réel. Je passai plusieurs jours à élaborer le personnage de mon poète, mais sans résultat. Un jour où, en fin de compte, j’avais renoncé à ce projet – c’était le 8 mars 1914 – je m’approchai d’une commode assez haute et, ayant pris une feuille de papier, je me mis à écrire debout, comme je le fais chaque fois que cela m’est possible. Et j’écrivis plus de trente poèmes à la file, dans une espèce d’extase dont je ne parviens pas à définir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie, et je n’en connaîtrai plus jamais de semblable. Je commençai par le titre, le Gardeur de troupeaux. Et ce qui s’ensuivit, ce fut l’apparition de quelqu’un en moi, à qui je donnai aussitôt le nom d’Alberto Caerio. Pardonnez-moi l’absurdité de l’expression : c’est