L'énoncé
Document : L’expédition punitive sous le régime fasciste italien
Témoignage du militant communiste Angelo Tasca qui a fui l’Italie pour la France en 1929.
« L’expédition punitive devient, vers la fin de 1920, la méthode habituelle d’expansion du fascisme. Elle a été appliquée sur une large échelle dans la Vénétie julienne, où les groupements fascistes ont l’appui ouvert des autorités locales et où la lutte contre le « bolchévisme », c’est-à-dire les coopératives ouvrières, les caisses d’assurances contre la maladie et les cercles de culture, hérités du socialisme autrichien, se double d’une violente pression sur les populations slovènes et croates [...]. L’expédition punitive part donc toujours d’un centre urbain et rayonne dans les campagnes environnantes. Montées sur des camions, les Chemises noires se dirigent vers l’endroit qui est le but de leur expédition. Une fois arrivé, on commence par frapper à coups de bâton tous ceux qu’on rencontre dans les rues qui ne se découvrent pas au passage des fanions, ou qui porte une cravate, un mouchoir, un corsage rouge. On se précipite au siège de la Bourse du Travail, du syndicat, de la coopérative, à la Maison du Peuple, on enfonce les portes, on jette dans la rue mobilier, livres, marchandises et on verse des bidons d’essence ; quelques minutes après, tout flambe. [...] Des groupes fascistes qui vont à la recherche des « chefs », maire et conseillers de la commune, président de coopérative : on leur impose de se démettre, on les « bannit » pour toujours du pays, sous peine de mort ou de destruction de leur maison. Lorsque le dirigeant local tient bon malgré tout, on le supprime. Les fascistes l’emmènent dans les champs où on le trouve mort le matin. »
Angelo Tasca, Naissance du Fascisme, Editions Gallimard, 1967
Question 1
L’ennemi social intérieur désigné et attaqué par les chemises noires est le « bolchévisme », terme recouvrant autant une idéologie politique, que des populations identifiées comme le supportant ou le représentant, et des institutions sur lesquelles l’idéologie s’appuie et peut prendre un certain essor.
De ce fait, les milices fascistes s’en prennent publiquement et de manière spectaculaire aux biens des institutions qu’elles prennent pour cible, soit « le siège de la Bourse du Travail, [le] syndicat, [la] coopérative, [la] Maison du Peuple. » Ce sont des lieux de mutualisation des moyens de production autant que de diffusion culturelle, et la répression de l’idéologie passe ainsi par une mise au ban publique de l’institution et de ses capacités d’exercice, via la destruction des moyens de fonctionnement (le mobilier), de diffusion (les livres), ou commerciaux (les marchandises).