Cours L'art de la parole à l'Antiquité
Exercice d'application

Socrate, mis en scène par Platon, s’entretient avec le sophiste Gorgias sur son métier, qui consiste à enseigner la rhétorique. Il répond ici au jeune Polos, qui assiste à la discussion, et veut connaître la définition que donne Socrate de la rhétorique.

La cuisine, donc, est la forme de flatterie qui s’est insinuée sous la médecine. Et, selon ce même schéma, sous la gymnastique, c’est l’esthétique qui s’est glissée; l’esthétique, chose malhonnête, trompeuse, vulgaire, servile et qui fait illusion en se servant de talons et de postiches, de fards, d’épilations et de vêtements ! La conséquence de tout cela est qu’on s’affuble d’une beauté d’emprunt et qu’on ne s’occupe plus de la vraie beauté du corps que donne la gymnastique. Bon, pour ne pas être trop long, je veux te parler à la façon des géomètres – peut-être comme cela pourras-tu suivre. Voici : l’esthétique est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine. Ou plutôt, il faudrait dire que l’esthétique est à la gymnastique ce que la sophistique est à la législation ; et encore, que la cuisine est à la médecine ce que la rhétorique est à la justice. Certes, je tiens à dire qu’il y a une différence de nature entre la rhétorique et la sophistique, mais puisque rhétorique et sophistique sont deux pratiques voisines, on confond les sophistes et les orateurs ; en effet, ce sont des gens qui ont le même terrain d’action et qui parlent des mêmes choses. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne savent pas à quoi ils peuvent servir, et personne autour d’eux ne le sait davantage. De toute façon, si l’âme n’était pas là pour surveiller le corps, si le corps était laissé à lui-même, si la cuisine et la médecine n’étaient plus ni reconnues ni distinguées par l’âme, et si c’était au corps de décider ce qu’elles étaient en mesurant les plaisirs qu’il y trouverait alors [...] toutes les réalités seraient confondues pêle-mêle et reviendraient au même, on ne pourrait plus distinguer la médecine ni de la santé ni de la cuisine. – Voilà, je viens de dire ce qu’est la rhétorique. Tu as bien entendu : elle correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps.

PLATON, Gorgias, 465 b – e, traduction de Monique Canto-Sperber, in PLATON, œuvres complètes, sous la direction de Luc Brisson, Flammarion, 2008.

 

Question d’interprétation philosophique

Comment se construit ici la différence entre ce qui est nommé « flatterie » et ce qui constitue un art véritable et, en particulier, que signifie la phrase : « elle [la rhétorique] correspond dans l’âme à ce qu’est la cuisine pour le corps » ?

 

Question de réflexion littéraire

Selon vous, l’art de la parole est-il forcément au service de la flatterie et du mensonge ?

 

Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte ci-dessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.