Cours L'Île des esclaves, Marivaux

Exercice - L'île des esclaves, Marivaux

L'énoncé

Faire un commentaire de texte à partir de l'extrait suivant de L'île des esclaves de Pierre Carlet de Marivaux. 

 

Acte I, Scène 1 : 

IPHICRATE : Avançons, je t'en prie.

ARLEQUIN : Je t'en prie, je t'en prie ; comme vous êtes civil et poli ; c'est l'air du pays qui fait cela.

IPHICRATE : Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens ; et, en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.

ARLEQUIN, en badinant : Badin, comme vous tournez cela ! (Il chante.)
                    L'embarquement est divin,
                    Quand on vogue, vogue, vogue ;
                    L'embarquement est divin
                    Quand on vogue avec Catin.

IPHICRATE, retenant sa colère : Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.

ARLEQUIN : Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là ; et le gourdin est dans la chaloupe.

IPHICRATE : Eh ne sais-tu pas que je t'aime ?

ARLEQUIN : Oui ; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé. Ainsi, tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse ! s'ils sont morts, en voilà pour longtemps ; s'ils sont en vie, cela se passera, et je m'en goberge.

IPHICRATE, un peu ému : Mais j'ai besoin d'eux, moi.

ARLEQUIN, indifféremment : Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires : que je ne vous dérange pas !

IPHICRATE : Esclave insolent !

ARLEQUIN, riant : Ah ! ah ! vous parlez la langue d'Athènes ; mauvais jargon que je n'entends plus.

IPHICRATE : Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave ?

ARLEQUIN, se reculant d'un air sérieux : Je l'ai été, je le confesse à ta honte, mais va, je te le pardonne ; les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes, j'étais ton esclave ; tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là ; tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami ; je vais trouver mes camarades et tes maîtres.
Il s'éloigne.

IPHICRATE, au désespoir, courant après lui, l'épée à la main : Juste ciel ! peut-on être plus malheureux et plus outragé que je le suis ? Misérable ! tu ne mérites pas de vivre.

ARLEQUIN : Doucement ; tes forces sont bien diminuées, car je ne t'obéis plus, prends-y garde."


Question 1

Rédiger une introduction.

En 1725, L'île des esclaves de Pierre Carlet de Marivaux est représentée pour la première fois au théâtre. Cette pièce comique met en scène les rapports sociaux entre maîtres et esclaves. Seuls naufragés de leur bateau, Arlequin et son maître Iphicrate se retrouvent sur l'île des esclaves où les rapports sociaux sont inversés. Le maître est esclave ; l'esclave est maître. Le thème des rapports sociaux inversés est présent tout le long de la pièce et s'inscrit dans un contexte pré-révolutionnaire. La scène d'exposition s'ouvre sur l'arrivée d'Arlequin et d'Iphicrate sur cet fameuse île ; Arlequin y dépeint ici la condition de l'esclave afin de préparer son maître à ce qui l'attend. 

 

Question 2

Proposer un plan pour ce commentaire.

I. Une scène d'exposition singulière

a) L'invention de l'île en tant qu'espace insulaire et utopique.

b) Une présentation symbolique des personnages. 

 

II. L'inversion des rôles maître-valet

a) Arlequin : un esclave devenu maître.

b) Iphicrate : un maître devenu esclave. 

 

III. Le théâtre selon Marivaux : un lieu de réflexion sur les rapports sociaux

a) Les enjeux de pouvoir remis en question. 

b) Liberté et Bonheur mis en scène. 

Question 3

Rédiger une conclusion.

À première vue traditionnelle, cette scène d'exposition propose pourtant une ouverture singulière par la révolte des esclaves. Cependant, cette révolte des esclaves va mener une réflexion sur les rapports maître-esclave qui sont ici bouleversés. Les personnages de la pièce vont se redistribuer leur rôle - pour finalement récupérer leur rôle initial. De ce fait, Marivaux propose une réflexion sur le théâtre à travers une mise en abîme des personnages.