L'énoncé
Prendre connaissance du texte et répondre aux questions suivantes qui permettent de préparer la question de grammaire pour l'oral du bac de français.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LXXVII « Spleen », 1857
Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,
Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,
Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,
S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes.
Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon,
Ni son peuple mourant en face du balcon.
Du bouffon favori la grotesque ballade
Ne distrait plus le front de ce cruel malade ;
Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau,
Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau,
Ne savent plus trouver d'impudique toilette
Pour tirer un souris de ce jeune squelette.
Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu
De son être extirper l'élément corrompu,
Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent,
Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,
II n'a su réchauffer ce cadavre hébété
Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé.
Question 1
Etudier la négation dans : « Du bouffon favori la grotesque ballade / Ne distrait plus le front de ce cruel malade » (v. 8-9).
Explication de la règle
La négation totale porte sur l’ensemble de la phrase ; on l’exprime avec les termes « ne… pas », « ne… plus », « ne… jamais ». La négation partielle porte sur un élément seulement de la phrase ; on l’exprime avec les termes « ne… pas… mais » mais peut aussi être exprimée par « ne… pas » ; tout dépend du sens de la phrase.
La négation exceptive est celle qui restreint l’affirmation à un seul élément ; on l’exprime par les termes « ne… que ».
Corrigé
La négation peut être totale ou partielle ; elle peut aussi être exceptive. En fonction de son type, la négation porte sur l’ensemble de la phrase ou sur un élément seulement de cette phrase.
Dans la phrase donnée à notre étude, la négation porte sur le verbe « distraire » conjugué au présent de l’indicatif et à la troisième personne du singulier. Les mots de la négation sont « ne… plus ». Ils nient totalement l’action du verbe, soit le fait de distraire le roi. La négation est donc totale.
On aurait eu une négation partielle si la phrase avait été la suivante : « Du bouffon favori la grotesque ballade / Ne distrait plus aujourd’hui le front de ce cruel malade ».
Cette phrase est en vers. Il faut donc remettre les mots dans l’ordre traditionnel de la phrase en français pour la comprendre : « La grotesque ballade du bouffon favori ne distrait plus le front de ce cruel malade ».
Question 2
Quelle est la valeur du présent dans la première phrase : « Je suis comme le roi d'un pays pluvieux,/ Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,/ Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,/ S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes » ?
Explication de la règle
Le présent de l’indicatif peut avoir plusieurs valeurs. Il peut avoir une valeur temporelle et indiquer le moment présent, le moment où l’on parle : on parle de présent chronologique d’une part, de présent d’énonciation d’autre part. Mais il peut aussi avoir une valeur logique et indiquer une vérité générale ; il est alors employé dans des textes argumentatifs, dans des proverbes, dans des sentences. Il peut désigner une durée plus longue et porter sur une intention de celui qui parle ; c’est alors un présent à valeur de futur proche (exemple : j’arrive). Il peut également, et pour finir, raconter des faits passés ou fictifs comme s’ils se passaient actuellement : il s’agit d’un présent historique ou de narration.
Corrigé
On relève deux verbes au présent de l’indicatif dans cette phrase.
Le premier est « suis » : il s’agit du verbe « être » au présent de l’indicatif et à la première personne du singulier.
Le deuxième est « s’ennuie » : il s’agit du verbe à la voix pronominale « s’ennuyer » au présent de l’indicatif et à la troisième personne du singulier.
Le premier verbe au présent de l’indicatif a une valeur temporelle : le poète énonce un fait qui le concerne au moment où il parle. C’est un présent d’énonciation.
Le deuxième verbe au présent de l’indicatif a une valeur historique : le poète imagine un roi qui s’ennuierait. Ce roi échappe au temps puisqu’il n’existe pas vraiment. Il s’agit donc d’une narration hors du temps. On pourrait donc se demander si ce présent n’a pas une valeur de vérité générale. Mais il n’énonce pas de théorie ou de leçon morale : il s’agit donc plutôt d’un présent historique.
On remarque donc qu’au changement de personne pour parler de lui-même, le poète associe un changement de valeur du présent de l’indicatif.
La valeur du présent n’est pas toujours facile à identifier. N’hésitez pas à formuler vos hypothèses face à un cas difficile pour montrer que vous savez aussi vous poser des questions et réfléchir à la meilleure réponse. Vous exposerez votre choix d’interprétation et donnerez les raisons de votre choix.
Question 3
Etudier les compléments circonstanciels dans la phrase suivante : « Le savant qui lui fait de l’or n’a jamais pu/ De son être extirper l’élément corrompu, / Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent, / Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, / II n'a su réchauffer ce cadavre hébété / Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé. »
Explication de la règle
Un complément circonstanciel est un complément du verbe conjugué. Il donne une précision sur le temps, le lieu, la manière de faire l’action, son but, sa conséquence, sa cause ou encore ce par quoi l’action est accompagnée. Il peut être exprimé par un adverbe (ex : hier), un groupe infinitif (ex : pour arriver), un groupe nominal (ex : pour son ami), une proposition subordonnée complétive (ex : parce qu’il est content). Il peut être supprimé de la phrase sans que celle-ci soit incorrecte pour autant.
Corrigé
Cette phrase est une phrase complexe qui comporte beaucoup de propositions subordonnées. Toutefois, il ne s’y trouve pas beaucoup de compléments circonstanciels.
On relève « dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent » : il s’agit d’un complément circonstanciel de lieu du verbe « réchauffer » exprimé par un groupe nominal introduit par la préposition « dans ». Au nom « bains » sont ajoutés les expansions « de sang » et « qui des Romains nous viennent », le premier étant un groupe prépositionnel et le deuxième une proposition relative.
On relève également le groupe nominal « au lieu de sang », introduit par la locution prépositionnelle « au lieu de ». Il s’agit du complément circonstanciel d’opposition du verbe « coule ».
La proposition « où coule l’eau verte du Léthé » n’est pas un complément circonstanciel mais une proposition relative, expansion du nom « cadavre ».
Lorsque vous avez eu un doute sur l’identification d’un complément circonstanciel mais qu’on a trouvé qu’il s’agissait d’autre chose (une proposition relative par exemple), vous êtes autorisés à l’indiquer en conclusion de notre question. Cela signale à l’examinateur que vous avez une approche fine de la question de grammaire et que vous savez distinguez le vrai du faux et apprendre de vos erreurs !
Question 4
Faire l’analyse logique des dernières propositions de ce texte : « Il n’a su réchauffer ce cadavre hébété / Où coule au lieu de sang l’eau verte du Léthé ».
Explication de la règle
Faire l’analyse logique d’une phrase signifie tout simplement dire si la phrase est simple ou complexe, combien de propositions s’y trouvent, où elles commencent et où elles finissent, et de quel type sont les propositions identifiées.
Corrigé
La dernière phrase du texte est une phrase complexe qui comporte beaucoup de propositions. Nous allons ici étudier ses deux dernières propositions. Elles correspondent chacun à un vers.
La première est « il n’a su réchauffer ce cadavre hébété : cette proposition est coordonnée à une autre proposition, plus haut dans le poème, dont le verbe est « a pu ».
La deuxième proposition que nous avons à étudier est « où coule au lieu de sang l’eau verte du Léthé ». Il s’agit d’une proposition relative qui a pour fonction d’être expansion du nom « cadavre ». Ce nom était déjà complété par l’adjectif qualificatif épithète « hébété ». Le verbe conjugué de cette proposition relative est « coule ».
Pour trouver les propositions d’une phrase ou d’un morceau de phrase, il faut repérer les verbes conjugués qui s’y trouvent. Il y a autant de propositions que de verbes conjugués ! Si l’extrait qui est proposé à votre étude est un morceau de phrase, ayez la curiosité d’analyser la phrase dans son intégralité pour voir si les propositions que vous avez à commenter sont coordonnées, juxtaposées ou subordonnées aux propositions précédentes.