Cours Réalisme et naturalisme

Exercice - Germinal, Zola

L'énoncé

Répondre aux questions suivantes, à partir de cet extrait de Germinal, de Zola (1885). 

Maheu travaille dans les mines de charbon dans des conditions difficiles.

"C'était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang. Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place.
    Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
    Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal. Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources. "


Question 1

Comment le texte est-il structuré ? 

Le texte est divisé en deux parties distinctes.

Dans la première partie, qui va de "C'était Maheu" (ligne 1) à "aplatissement complet" (ligne 8), le narrateur s'attache à la description de Maheu dans ses conditions de travail.

Puis, dans la deuxième partie, qui va de "Pas une parole" (ligne 9) jusqu'à "des sources" (ligne 16), le narrateur quitte la description du personnage pour y décrire les lieux

Le texte est divisé en deux parties.

Question 2

Quel portrait de Maheu est peint ici ? 

Le premier élément qui caractérise ce personnage est sa souffrance : "C'était Maheu qui souffrait le plus". Ce superlatif accentue donc l'extrême souffrance dans laquelle se trouve Maheu. Dans la phrase qui suit, le rythme sert également à mettre en valeur cette souffrance, puisque ce rythme crée une accumulation : "En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel".

Par ailleurs, tout au long de la description de Maheu, le narrateur s'attache au vocabulaire de la souffrance et de la mort : "souffrait", "étouffement", "mortel", "brûler le sang", "supplice". Après avoir décrit la chaleur que subit Maheu, le narrateur ajoute que celui-ci subit une nouvelle souffrance, l'humidité : "Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité." Face à cette nouvelle souffrance, Maheu semble impuissant, puisque soudainement le sujet de la phrase n'est plus ce personnage mais "La roche". Mais son impuissance face à l'humidité se traduit également par l'inefficacité de ses stratagèmes pour l'éviter : "Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche.". Ce rythme accentue la régularité de ce martèlement des gouttes contre lequel Maheu tente de lutter.

Enfin, le dernier élément qui caractérise Maheu est sa fragilité, il est en effet comparé à un "puceron" : "ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet". 

Ainsi, c'est à travers sa souffrance extrême et sa fragilité que le personnage de Maheu est décrit dans ce passage. En prenant l'exemple de Maheu, le narrateur peint donc ici la condition impuissante et fragile des mineurs

Question 3

Comment les lieux sont-ils décrits ? 

Le premier élément qui caractérise ces lieux est le silence des mineurs : "Pas une parole n'était échangée". Ces mineurs sont totalement déshumanisés, au point d'en perdre la parole. Le seul bruit perceptible est celui de leur travail : "Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort". Ce bruit prend donc une forme étrange, où toute humanité a disparu.

De plus, la mine est ici décrite comme étant un monde infernal où règnent souffrance et mort : "air mort", "ténèbres", "noir inconnu". Le lieu semble présenter une perte de tout repère, tout semble confus : "semblait que", "noir inconnu", "On ne distinguait rien", "nuit profonde". Les hommes apparaissent également de manière confuse, voire fantomatique : "Des formes spectrales s'y agitaient". Une profonde obscurité règne également dans la mine : "les lueurs perdues". De ce fait, les corps des mineurs paraissent démantelés, ils s'apparentent à des monstres : "laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime". De plus, l'animalité de ces mineurs est perceptible à travers la description de leur respiration : "halètement", "grognement". Enfin, la description du lieu se clôt sur sa "pesanteur" au sein des mineurs et de leurs "poitrine". 

Question 4

En quoi ce texte s'inscrit-il dans le mouvement du réalisme et surtout du naturalisme propre à Zola ?  

Ce texte s'inscrit dans la veine du mouvement réaliste voire naturaliste, auquel l'auteur Zola appartient. En effet, la description de ces lieux est faite à travers un réalisme géographique : "En haut" et un réalisme des conditions (chaleur, insalubrité, obscurité, humidité): "trente-cinq degrés", "pluie", "noir profond".

Zola restitue la réalité des conditions des mineurs de la fin du XIXe siècle en France, à travers une précision scientifique. De ce fait, l'extrait présenté ici s'inscrit bel et bien dans la veine du réalisme et du naturalisme.