Cours La versification

Exercice - Versification

L'énoncé

Après une lecture attentive du corpus de textes, vous répondrez rapidement aux questions qui suivent.

  

Texte 1 : « Demain, dès l’aube », Les Contemplations, HUGO Victor, 1856.

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

 

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

 

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

Texte 2 : « Calligramme », Poèmes à Lou, APOLLINAIRE Guillaume, poème du 9 février 1915 (publication posthume du recueil, 1947 puis 1955).

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Reconnais-toi 


Cette adorable personne c'est toi 


Sous le grand chapeau canotier

Oeil 


Nez

La bouche

Voici l'ovale de ta figure

Ton cou exquis 


Voici enfin l'imparfaite image de ton buste adoré  
                         

                                     vu comme à travers un nuage 


Un peu plus bas c'est ton coeur qui bat

(poème du 9 février 1915 à Louise de Coligny-Chatillon)

   

Texte 3 : « La Courbe de tes yeux », in Capital de la douleur, ELUARD Paul, 1926. 

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu

C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

 

Feuilles de jour et mousse de rosée,


Roseaux du vent, sourires parfumés,


Ailes couvrant le monde de lumière,


Bateaux chargés du ciel et de la mer,


Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

 

Parfums éclos d'une couvée d'aurores


Qui gît toujours sur la paille des astres,


Comme le jour dépend de l'innocence


Le monde entier dépend de tes yeux purs


Et tout mon sang coule dans leurs regards.


Question 1

Pour chaque texte, déterminer brièvement les éléments de structure poétique suivants :

- Type de strophes

- Type de vers

- Type de rimes

- Thème général du poème

Type de strophes : 

Hugo : 3 strophes de 4 vers -> 3 quatrains

Apollinaire : le poème ne répond pas à une structure strophique.

Éluard : 3 strophes de 5 vers  -> 3 quintils

 

Type de vers : 

Hugo : Vers de 12 syllabes -> Alexandrins

Apollinaire : Vers libres (sans structure régulière)

Éluard :

- Irrégularité dans le système métrique

- Irrégularité du premier quintil : Vers de 12 (alexandrins)/ 8 (octosyllabe)/ 12/ 12/ 10 syllabes (décasyllabe)

- Régularité du deuxième et troisième quintils : Vers de 10 syllabes (décasyllabes)

 

Type de rimes : 

Hugo : Type « A/B/A/B », rimes croisées

Apollinaire : Vers blancs (non rimés mais conformes à un rythme ou une métrique)

Éluard :

- Système « mixte » de rimes

- Rimes suivies, type « A/A/B/B »

- Vers blancs : 3e vers des quintils 1 et 2 ; dernier quintil entièrement

 

Thème général du poème : 

Hugo : voyage imaginaire vers une personne défunte aimée (fille d’Hugo).

Apollinaire : portrait flatteur de la femme aimée.

Éluard : éloge de l’être aimé.

Question 2

Texte 1 : Quel est le motif du voyage effectué par le "je" du poème de Victor Hugo ? Pourquoi ne pouvons-nous pas voir le paysage parcouru par le "je" poétique ? Relever trois éléments qui renvoient à la mort de Léopoldine.

Le souvenir de la défunte déclenche le voyage imaginaire.

Il ne nous est pas permis de voir le paysage parcouru par le "je" poétique puisqu’il correspond au paysage intérieur de sa douleur. Le "je" préfère, par pudeur sans doute, fermer les yeux sur l’expression de son deuil.

Trois éléments qui renvoient à la mort de Léopoldine :

« Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps » : Absence de l’être aimé.

« Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. » : Tristesse de la mort.

« Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe » : Objet du réel signifiant la mort.

Question 3

Texte 2 : Définir ce qu'est un "calligramme". Quels rapports peut-on établir entre le calligramme d’Apollinaire et la photographie de Louise de Coligny-Chatillon ? 

Un calligramme : texte, le plus souvent poétique, dont les mots sont disposés de manière à représenter un objet qui constitue le thème du passage ou du poème (définition Larousse).

Il semble qu’Apollinaire ait disposé ses mots de manière identique à la photographie de Louise, qu’il devait posséder ; même angle de prise de vue pour le portrait, même chapeau. Le calligramme est une nouvelle "illustration" de la photographie. Le rapport entre les deux images est un rapport d'analogie (ressemblance).

Question 4

Texte 2 : Analyser la position du mot "bat" par rapport au vers "Un peu plus bas c'est ton coeur qui bat". Que remarque-t-on ? 

Le mot "bat" se situe tout en bas du texte, il illustre, dans sa disposition, le sens de la phrase. De plus, il se situe exactement en bas du calligramme, à l’emplacement même du coeur humain. Le mot prend vie par le dessin.

Question 5

Texte 3 : Dans le poème d’Éluard, relever tous les noms communs se rapportant aux yeux. Que peut-on remarquer ? Sont-ils nombreux ? Quel type de formes leur est-il toujours donné ?

Noms communs se rapportant aux yeux de l’être aimé : "courbe", "rond", "Auréole", "berceau", "Feuilles", "mousse", "Roseaux", "sourires", "Ailes", "Bateaux", "Chasseurs", "sources", "Parfums", "jour", "regards".

Ils occupent l’ensemble du poème qui, à lui seul, devient une représentation des yeux de l'être aimé. Les formes sont presque toujours des "courbes" qui imitent la forme des yeux humains.

Question 6

Texte 3 : À qui appartiennent ces yeux ? Qui dépendent des yeux de l'être aimé ?

Les yeux sont ceux de l’être aimé (Gala, muse d’Éluard).

Le "je" poétique (l’amant) dépend de l'être aimé et, par extension, "le monde entier".

Question 7

En quoi les poèmes d'Apollinaire et d'Éluard paraissent-ils créer une autre réalité poétique et une nouvelle manière d'écrire ?

Ces deux poèmes proposent d’autres formes de poésie :

- Une poésie-dessin : la structure métrique est explosée au profit d’une représentation visuelle du texte poétique (Apollinaire).

- Une réalité "amplifiée" : le sujet du texte (les yeux de l’être aimé) va jusqu’à influencer la structure du poème par le développement d'une écriture cyclique (à la fin du texte, on a fait le tour des yeux avec le "je" poétique). L’irrégularité des rimes participe du caractère presque "surnaturel" et onirique de l'image des yeux de l'aimé.